Silence les humains !

Des mésanges aux baleines, des grenouilles aux élans, de nombreuses espèces animales pâtissent des bruits de l’homme au quotidien.
Manger, dormir et se reproduire devient très compliqué.

Sur terre, en mer et dans les airs, les animaux souffrent de la pollution sonore.

À proximité des centres urbains, des aéroports, des routes et des voies ferrées, des usines et des exploitations agricoles, et jusque dans les parcs naturels protégés et les zones les plus sauvages. Et que dire des océans… Les bateaux y sont de plus en plus nombreux, leurs moteurs toujours plus puissants et bruyants. Ajoutons les sonars, ces ondes sonores émises par les navires et sous-marins militaires, le bruit des explosions liées à la recherche de pétrole et de gaz dans le sous-sol océanique, les champs d’éoliennes… Dans l’eau, où le son se propage plus vite que dans l’air, c’est un véritable tintamarre ! Même à des kilomètres du vacarme des côtes, des ports et des stations balnéaires, on est bien loin du Monde du silence filmé il y a plus de soixante ans par le commandant Cousteau.

L'homme affecte les animaux à cause de l'émission de sons
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Des espèces en danger

Tout cela est malheureusement lourd de conséquences sur la faune. La prise de conscience est récente, mais depuis quelques années, les études scientifiques se multiplient et convergent : la pollution sonore est dangereuse pour certaines espèces.

Chanter plus fort, plus haut, plus longtemps

Tout d’abord, le bruit humain change les comportements. Pour couvrir la rumeur d’une route ou d’une ville, certains oiseaux chantent plus fort, ou plus haut. D’autres se mettent à gazouiller au milieu de la nuit, pour ne pas être gênés par le bruit de la circulation matinale. Ou bien chantent plus longtemps, pour augmenter la chance d’être entendus de leurs congénères.

Fatigants, ces efforts pour être entendus peuvent aussi avoir des conséquences sur la reproduction. Prenez les mésanges, par exemple. Depuis toujours, les femelles ont appris à reconnaître la qualité des mâles à leur voix grave. Et comment feront-elles pour choisir leur partenaire, si tous les messieurs mésanges se mettent à chanter haut perché ?

Panique collective et mortelle

Ensuite, le bruit génère du stress. Comme chez l’homme, celui-ci peut avoir des effets délétères. Il peut par exemple augmenter le métabolisme alimentaire, obligeant à manger plus. Ce n’est pas trop grave aux beaux jours, lorsque la nourriture est abondante, mais cela peut devenir dramatique pour le pauvre élan des Rocheuses, qui n’a guère que quelques écorces à se mettre sous la dent au plein cœur de l’hiver…

Ce stress peut également affecter le système immunitaire, voire engendrer à terme des modifications génétiques au sein d’une espèce (lire l’exemple de la grenouille ci-dessous). Il peut même tuer directement : on a vu des groupes de morses se précipiter à l’eau, pris de panique au passage d’un bateau ou d’un avion, écrasant au passage des centaines de bébés morses. Ou des baleines à bec, effrayées par le sonar d’un sous-marin, remonter si vite à la surface qu’elles en oubliaient de respecter des paliers de décompression et mouraient d’une embolie !

Menace pour la biodiversité

Le bruit peut enfin affecter la biodiversité, notamment en chassant certains animaux de leurs territoires traditionnels. « Le bruit généré par une route ne s’arrête pas aux trente mètres de largeur de l’asphalte, il affecte par exemple les oiseaux jusqu’à 1,5 kilomètre de part et d’autre », rapportait dans le journal Le Monde Thierry Lengagne, chercheur au CNRS et à l’université de Lyon -I 1. Résultat : certains oiseaux pollinisateurs quittent la zone et la diversité des essences d’arbre diminue dans la forêt… Et s’il y a une moins grande variété d’arbres, il risque d’y avoir moins d’espèces d’oiseaux et d’insectes, donc peut-être encore moins d’arbres demain…

En empêchant certains animaux d’entendre l’arrivée d’un prédateur, en déréglant les rituels de la reproduction, en modifiant les capacités d’écholocalisation, le bruit de l’homme ne fait pas que perturber la vie sauvage : il menace ses grands équilibres.

Il est urgent d’en prendre conscience et d’imposer des mesures pour mettre fin à ce désastre. Ici, en limitant la vitesse des voitures ou des bateaux pour réduire leur impact sonore. Là, en modifiant les couloirs aériens ou le revêtement des routes. Ou, lorsqu’il n’est pas possible de réduire le bruit, en développant des écrans acoustiques pour limiter son impact sur la faune.

Le bruit affecte les oiseaux

Des contraintes nouvelles ? Peut-être, mais cela fera du bien à tous les animaux, y compris au plus redoutable d’entre eux : l’homme.

1 « Le bruit de l’homme affecte les espèces jusque dans les aires protégées », Audrey Garic, Le Monde, 04/05/2017.

Source : auditionconseil.fr